Après avoir lu le joli poème "Adieu" qu'a choisi Florinette pour la fameuse chaîne "le cercle des poètes disparus" qui circule sur les blogs, je vous présente un poème d'Arthur Rimbaud, "Ophélie". Je trouve les descriptions sublimes et cela me donne l'occasion de glisser quelques peintures préraphaélites. Il y a aussi "le dormeur du val" qui est magnifique et qui bourgeonne sur quelques blogs.
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...
On entend dans les bois lointains des hallalis.
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton cœur entendait la voix de la Nature
Dans les plaines de l'arbre et les soupirs des nuits;
Brisait ton sein d'enfant trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit, muet, à tes genoux !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu.
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys !