Après ma lecture en 2007 du roman « Une promesse » - Prix Médicis 2006 - qui m’avait arraché quelques larmes, Sorj Chalandon récidive une nouvelle fois avec un troisième roman
bouleversant se déroulant sur une vingtaine d’années en Irlande. Je ne peux qu’espérer – mais je n’en doute pas – que ce roman « coup de poing, coup de cœur » connaissent le même succès
que le précédent.
Editions Grasset - janvier 2008 - 288 pages
Présentation de l'éditeur : Mon Traître est l’histoire d’Antoine, luthier parisien qui découvre
l’Irlande des violons. Il ne sait rien du Nord. Peu lui importe. Ses héros sont archetiers, grands luthiers de légende. La guerre n’est pas encore passée par lui puis, un jour, elle s’impose.
Antoine va devenir Tony, pour les gens de Belfast, parce qu’il les verra vivre et souffrir et se battre. Et qu’ils l’aimeront en retour comme un fils. Et puis il y a Tyrone Meehan. L’Irlande est
sa bataille. Il boit, il chante, il vous enlace, il vous prend le bras pour parler en secret. Il est engagé à jamais, sans que jamais rien ne le trahisse. Il est l’insoupçonnable. Tyrone donc,
l’ami d’Antoine, son frère, son traître à lui. Tyrone n’est pas Denis (le personnage réel qui a inspiré Tyrone). Leurs regards se ressemblent pourtant. Sorj Chalandon n’est pas Antoine, leur
douleur est pourtant la même. Denis Donaldson a été exécuté le 4 avril 2006, alors que Sorj Chalandon écrivait l’histoire de Tyrone Meehan. Il a été tué par une arme de chasse, dans le petit
cottage familial qui le cachait. Nous ne savons pas qui tenait le fusil. Personne n’a été accusé ce jour.
Mon avis : Journaliste de métier, Sorj Chalandon a reçu le Prix Albert Londres en 1988 pour ses reportages sur l’Irlande du Nord alors en guerre. « Mon
traître » nous plonge au cœur du conflit irlandais mais il est surtout question d’une trahison, d’une longue amitié trahie. Celle qu’a réellement vécu l’écrivain avec Denis Donaldson, un de
leaders de l’IRA et du Sinn Féin, parti politique du mouvement armé. Son traître. Roman thérapie pour l’écrivain, ce dernier invente son double sous les traits d’antoine, luthier parisien
amoureux de l’Irlande et celui de Denis, son traître, sous les traits de Tyrone Meehan. Au travers de cette fiction, il s’interroge sur les raisons de cette tromperie et sur la nature de cette
amitié tout en esseyant d’apporter des réponses.
La plume de Sorj Chalandon est toujours aussi redoutable. Les phrases sont brèves et terriblement efficaces. L’auteur cite : « Il faut aller au sang des mots. Mes mots sont tellement nettoyés qu’ils en sont douloureux. J’écris coupé déjà. Pour « Mon traître », il n’y a quasiment pas eu de retouche, c’est
presque le premier jet. Quand j’écris les mots, ils ont déjà été nettoyés dans ma tête. Le mot parfait, c’est celui qui est cassant. Celui qui n’a pas de gras autour. Chaque mot devrait être une
larme de glace qui se casse net. »
L’Irlande est évoquée avec passion. Antoine nous la retranscrit à sa manière, avec une émotion des plus vibrante. Le lecteur ressent le froid et la pluie du
pays, les verres de Guinness bus dans les pubs, les poignées de mains échangées entre activistes dans les rues de Belfast, les chants traditionnels gaéliques célébrés à l’abri des regards
ennemis, les silences qui en disent long… Au final, une lecture intimiste, à fleur de peau qui évoque
l’amitié, la fraternité mais aussi les faiblesses de l’âme humaine. Un livre à mettre entre toutes les mains.
Ma note :
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U2