Le livre de poche - Classique - Août 2004 - 128 pages
Présentation de l'éditeur : Dans un château de la lointaine Styrie, au début du XIXe siècle, vit une jeune fille solitaire et
maladive. Lorsque surgit d’un attelage accidenté près du vieux pont gothique la silhouette ravissante de Carmilla, une vie nouvelle commence pour l’héroïne. Une étrange maladie se répand dans la
région, tandis qu’une inquiétante torpeur s’empare de celle qui bientôt ne peut plus résister à la séduction de Carmilla… Un amour ineffable grandit entre les deux créatures, la prédatrice et sa
proie, associées à tout jamais « par la plus bizarre maladie qui eût affligé un être humain ». Métaphore implacable de l’amour interdit, Carmilla envoûte jusqu’à la dernière ligne…
jusqu’à la dernière goutte de sang !
Quelques
lignes : Alors, ayant vraiment peur pour la première fois, je me mis à hurler de toutes mes forces. Nourrice,
bonne et femme de charge entrèrent en courant. Après avoir entendu mon histoire, elles feignirent d’en faire peu de cas, tout en s’efforçant de me calmer par tous les moyens. Mais, malgré mon
jeune âge, je discernai une expression d’anxiété inhabituelle sur leur visage blême, et je les vis regarder sous le lit, inspecter la chambre, jeter des coups d’œil sous les tables et ouvrir les
armoires. Après quoi, la femme de charge murmura à l’oreille de la bonne : « Passez votre main dans ce creux sur le lit ; quelqu’un s’est bel et bien couché là, aussi vrai que vous
avez omis de le faire : l’endroit est encore tiède. »
Publié en 1872, Carmilla est l’un des premiers écrits fondateurs de la littérature vampirique.
Ayant inspirée quelques décennies plus tôt, le fameux Dracula à Bram Stoker, cette novella est à ce jour la plus célèbre des œuvres de Joseph Sheridan Le Fanu, même si, force est
de constater que son héroïne n’a pas eu la renommée que l’on connaît au comte sanguinaire de Valachie. Pour accompagner cette œuvre, François Rivière - Romancier et journaliste
littéraire - propose une longue préface sur la vie de l’auteur, ses textes et sur la naissance d’un genre à la fois romantique et macabre.
C’est donc dans la lointaine et brumeuse Styrie - l’Autriche - que l’auteur irlandais choisit de poser son intrigue. Véritable roman gothique, Carmilla regorge de symboles à
l’instar du château de style médiéval plongé dans une atmosphère des plus lugubres, de la jeune fille naïve qui devient la victime toute désignée d’une redoutable créature et, enfin,
d’apparitions multiples de phénomènes surnaturels. Même si le doute n’est plus permis quant à l’identité de la belle invitée, il faut reconnaître que le suspense est remarquablement
entretenu de bout en bout. Bien que souffrant de certaines incohérences que le traducteur attribut à l’état mental de Le Fanu qui, à l’époque où il écrivit Carmilla - peu après le
décès de sa femme - était perpétuellement hanté par d’horribles cauchemars susceptibles d’altérer ses facultés raisonnantes, ce court récit se lit avec un plaisir certain et ce,
grâce à une galerie de personnages singuliers.
Laura, la narratrice, toute aussi touchante qu’agaçante dans sa
grande naïveté, est une proie de choix pour un prédateur assoiffé de sang et de caresses. Carmilla est une créature énigmatique, à la fois charnelle et languide, malfaisante et vulnérable. Elle
incarne tous les interdits. Sheridan Le Fanu défit son époque en suggèrant, avec finesse et sensualité, le début d’une relation volontairement ambigüe entre ses deux héroïnes.
Au final, Carmilla est un incontournable du genre qui se déguste un peu trop rapidement du fait de sa brièveté, mais qui, sans aucun
doute, charmera tout lecteur en quête des origines du mythe du vampire.
Retrouvez les avis d'Isil, Cryssilda,
Carmilla, Cendre, Vladkergan et Lilly.